Rendu fanatique

L’impact des événements vécus par Ernst Salomon dans ses jeunes années pendant les périodes de guerre et de crise explique son parcours. Fils d’un fonctionnaire de police et ancien officier, il entre, comme son frère aîné, à l’Institut du corps royal des cadets de Karlsruhe où il doit être formé de 1913 à 1917 à sa future fonction d’officier ou, comme le formule un instructeur qu’il cite dans son roman autobiographique Les Cadets publié en 1933 : « pour apprendre à mourir ».

Malgré la rudesse de l’éducation au sein du corps de cadets, von Salomon et ses camarades attendent avec beaucoup d’excitation d’aller au front et à la guerre, « dont nous espérions tous naïvement et pourtant avec un engagement véritablement total qu’elle ne finirait pas avant que nous ne soyons assez mûrs pour qu’on nous y envoie ». Salomon n’est pas envoyé au front mais vit l’attaque aérienne dévastatrice contre un chapiteau à Karlsruhe en 1916 et les privations de la population civile pendant qu’il est à la Hauptkadettenanstalt (École de cadets) de Berlin-Lichterfelde. Avec la fin de la guerre qui se profile, ses camarades et lui se sentent « exclus » et « superflus ». Même une fois l’armistice signé, von Salomon reste emprisonné dans cette vie de soldat. Il combat dans des groupes paramilitaires dans le pays et à l’étranger, fréquente des cercles antidémocratiques, rejoint l’Organisation Consul (OC), organisation terroriste de droite, et se retrouve condamné à cinq ans de prison en 1922 pour « complicité de meurtre » sur la personne de Walther Rathenau, ministre des Affaires étrangères. Dans les années 30, von Salomon publie ses premiers romans ; durant la période nazie, il travaille comme scénariste. Son roman Le Questionnaire (1951) devient un bestseller dans la jeune république fédérale. Il y évoque son parcours politique, avec en toile de fond le processus de dénazification et son internement par l’armée américaine entre 1945 et 1946.